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Aiguebelle : du chocolat et des liqueurs grand format Aiguebelle : du chocolat et des liqueurs La Revue Drômoise

L’abbaye d’Aiguebelle

Par Marylène Marcel-Ponthier

L’abbaye d’Aiguebelle, nichée dans un vallon de la petite commune de Montjoyer, a été fondée, selon les historiens, en 1137, par des Cisterciens venus de Morimond. Après avoir construit leur monastère, les moines, conformément à la règle de Saint-Benoît, ont cherché rapidement les moyens de subvenir à leurs besoins.

 L’abbaye d’Aiguebelle  (collection Marylène Marcel-Ponthier)L’abbaye d’Aiguebelle
(collection Marylène Marcel-Ponthier)

 Ils possèdent, avant la Révolution, plusieurs fermes, des forêts, un moulin banal et un moulin à huile. Ils exploitent les gypsières ou plâtrières de Réauville, fabriquent des tuiles, des briques, des moellons, ou pratiquent l’industrie du verre.
Chassés pendant la tourmente révolutionnaire, ils doivent attendre la fin de l’Empire pour revenir dans leurs murs en 1815. «Ils», ce sont des Trappistes, une branche de l’Ordre Cistercien.
Durant tout le XIXe, ils s’essayent à de nouvelles activités dont l’élevage du ver à soie ou la distillation de plantes médicinales. Puis ils construisent une minoterie afin de moudre la farine. La force motrice étant insuffisante, ils se lancent dans la fabrication de vermicelles ! Ce sera leur dernière tentative : ils songent, tout à coup, au chocolat !



La production de chocolat

En 1869, les moines commencent à produire du chocolat dans un local attenant à l’église puis ils utilisent rapidement l’ancienne minoterie qui prend le nom d’«Usine Saint-Joseph».
Ils fondent une société chargée de commercialiser le produit, embauchent des orphelins et des adultes pour assurer toutes les tâches, bref la réussite dépasse toutes leurs espérances.

Moines fabriquant du chocolat (collection abbaye d’Aiguebelle)Moines fabriquant du chocolat
(collection abbaye d’Aiguebelle)

Un problème pourtant rapidement se pose : au sein de l’usine chocolatière, il est bien difficile de respecter la Règle bénédictine…

La Trappe d'Aiguebelle. - Les Bâtiments de la Chocolaterie
 Chocolaterie d'Aiguebelle de Donzère

La chocolaterie de Donzère

Pour y faire face, une Société Anonyme, créée le 20 mai 1891, est chargée de trouver un autre lieu : ce sera Donzère. La construction des nouveaux bâtiments est rapidement lancée afin de permettre à la chocolaterie de fonctionner. L’ensemble du personnel y est transféré, laissant les religieux retrouver le calme de leur monastère – toutefois, ils participeront à la confection du chocolat de Donzère jusqu’en 1905, et continueront à produire leur propre chocolat artisanal jusqu’en 1935.
L’usine de Donzère, inaugurée en 1895, prend le nom de « Usine Sainte-Marie d’Aiguebelle ». Son matériel est moderne et performant, ses chocolats excellents.

La nouvelle chocolaterie
(collection Marylène Marcel-Ponthier)

La publicité

Dès 1882, un frère a eu l’idée géniale d’utiliser un support publicitaire glissé dans les tablettes de chocolat : ce sont les «chromolithographies» ou «images» éditées sur un support papier que les enfants ont à cœur de collectionner. Oiseaux, mammifères, poissons, plantes aromatiques, champignons, monuments historiques, histoire de France, géographie, vie de Jésus et de ses saints… il en existe environ 7 000 différentes !

 
Une chromolithographie et une boîte de cacao

(collection Marylène Marcel-Ponthier)

En 1914, la chocolaterie de Donzère se hisse à la huitième place des chocolateries de France. Elle emploie 200 personnes, hommes et femmes, et commence à diversifier sa production : chocolats de Noël, œufs de Pâques... Une nouvelle boisson chocolatée est fabriquée : le «Caobel» – contraction de cacao et d’Aiguebelle – à base de cacao, farine de banane et galettes pulvérisées.
En 1931, la chocolaterie est modernisée, l’électricité remplace la vapeur. De nouveaux produits sont lancés sur le marché : chocolat au lait, aux noisettes, aux raisins, etc. La chocolaterie donzéroise parvient ainsi à rester au 12ème rang français.

La fin de la chocolaterie de Donzère

À partir de 1939, les femmes remplacent les hommes partis au front. La Chocolaterie Schaal, de Strasbourg, qui n’accepte pas de travailler pour les Allemands, se replie à Donzère, ce qui permet à la production de rester constante malgré les difficultés d’approvisionnement.
En 1941, une succursale est ouverte au Maroc : « La Compagnie Chérifienne de chocolaterie » - au XXIe siècle cette entreprise produit toujours du chocolat portant la marque Aiguebelle.
Après l’invasion, en novembre 1942, de la zone sud de la France, les matières premières viennent à manquer. La production est diversifiée avec des pâtes de fruits et des produits à faible teneur en cacao.
La Société se trouve un associé : la Biscuiterie Alsacienne, chacune vendant les produits de l’autre.
La mécanisation se développe. La chocolaterie tourne à plein. Mais le prix du chocolat est bloqué, et rapidement les comptes ne parviennent plus à s’équilibrer. La guerre de Corée porte un coup fatal à cette industrie : c’est la flambée du prix des cacaos en fèves. Les petites entreprises chocolatières disparaissent les unes après les autres tandis que les plus grandes travaillent à perte…
Malgré l’absorption de la chocolaterie du Prado de Marseille et l’arrivée d’un financier, la chocolaterie de Donzère est absorbée par la Chocolaterie de l’Union, de Lyon, déjà regroupée avec Pupier de Saint-Étienne. En 1977, le matériel et les stocks sont transférés à Saint-Étienne. L’ensemble du personnel de la Chocolaterie est licencié. Seule demeure une petite équipe pour assurer les livraisons. Pas pour longtemps : en 1978 l’usine ferme définitivement ses portes et les bâtiments sont vendus. En 1981, la marque « Aiguebelle » est rachetée par le groupe Cantalou qui deviendra Cémoi, spécialisé dans la commercialisation de chocolats pour les fêtes.

La chocolaterie Morin

La tradition chocolatière ne disparaîtra pourtant pas complètement de Donzère grâce à la famille Morin. Après Gustave, né en 1870, entré en apprentissage en 1884 à l’abbaye, André, né en 1910, Jean-François, né en 1950, et enfin Franck, né en 1979, quatre générations vont se sont succéder et fabriquer du chocolat ou des confiseries grâce aux arbres fruitiers plantés dans la propriété. Les fèves de chocolat viennent d’Amérique Centrale, d’Indonésie ou d’Afrique, et leur origine est certifiée.

(collection Morin)

La fabrication de liqueurs à Aiguebelle

Pendant ce temps-là, à l’abbaye, une nouvelle activité est lancée en 1931 : la distillerie.
Les moines ont toujours fabriqué des liqueurs en distillant des plantes, une activité qui remonterait au XIIIe siècle avec l’élixir de vie du Frère Benedictus de Nuraie (1239).
À Aiguebelle les frères trappistes commencent par racheter une distillerie ardéchoise célèbre pour son digestif, le Coiron, puis ils élaborent leurs propres liqueurs, composées de plantes. À partir de 1950, ils produisent également des sirops.
La distillerie est installée dans l’ancienne minoterie-chocolaterie. Puis dans de nouveaux bâtiments industriels construits en contrebas de l’abbaye.

Publicité pour la liqueur
(collection Marylène Marcel-Ponthier)

Pendant la Seconde guerre, la distillerie parvient à fonctionner mais les livraisons sont difficiles, voire impossibles !
Au moment de la Libération, à nouveau se pose le problème de la tranquillité des moines ! L’usine est alors transférée à Réauville, dans d’autres bâtiments, en 1948.
Mais quelques années plus tard, les ventes s’effondrent. La distillerie est rapatriée dans l’abbaye et une partie du personnel licenciée.
En 1995, c’est la faillite…
La distillerie est remise par le Tribunal de Grande Instance de Valence à la société Julien Cartier-Millon. Afin d’éviter toute confusion, une nouvelle dénomination est adoptée, très proche de celle d’origine : Eyguebelle. L’usine doit déménager dans de nouveaux locaux situés à 7 km de l’abbaye, sur la commune de Valaurie où elle continue à perpétuer le savoir-faire artisanal des moines.
À Aiguebelle, les frères se consacrent désormais à d’autres activités commerciales : la fabrication de l’Alexion (une boisson fortifiante et reconstituante à base de 52 plantes sans alcool), un baume, du lavandin, du miel, des tisanes et du café cultivé à Koutaba au Cameroun.


L’Alexion (photo MMP)

Source : Article de Marylène Marcel-Ponthier, paru dans la Revue Drômoise de juin 2014 (n°552)

 

Pour en savoir plus : Aiguebelle dans la Drôme – 2013 – Marylène Marcel-Ponthier


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