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De la terre à l’assiette : spécialités culinaires en Drôme - Ardèche grand format De la terre à l’assiette : spécialités culinaires en Drôme - Ardèche Médiathèque F. Mitterrand, Latour-Maubourg, Valence

« Cochonnaille la plus célèbre du Dauphiné » (Antoine et Amicie d’Arces), la caillette est un petit pâté rond, d’une dizaine de centimètres de diamètre et d’un poids de 250 grammes environ. L’origine de son nom semble faire consensus : le caïon ou cayou désigne le cochon dans les différents « patois » des deux départements de la Drôme et de l’Ardèche (certains auteurs évoquent cependant une autre piste, celle des jarres d’huile appelées caillères dans lesquelles étaient parfois conservés les pâtés en Ardèche…).

« Lorsque vous avez une caillette dans votre assiette, écrit l’historien René Fonvieille, vous êtes loin de vous douter que cet humble mets a failli provoquer la guerre entre deux belles provinces, le Vivarais et le Dauphiné. Et encore aujourd’hui la hache n’est pas tout à fait enterrée ». Cette querelle est double : si elle porte prioritairement sur la question de savoir sur quelle rive du Rhône se trouve le berceau de ce pâté, elle s’accompagne également de vives conversations sur la manière de préparer le mets et de le consommer. Toutes les caillettes sont faites d’un mélange de foie, de gorge et de tête de porc, d’herbes blanchies (salades, blettes, épinards…) et d’épices. Ce mélange est ensuite coiffé d’une crépine de porc et cuit au four. Si la caillette est souvent plus riche en herbes et consommée chaude en Ardèche, elle est dégustée comme un pâté froid, dans la Drôme, où la recette est généralement plus riche en viande.

Ci-contre : Dossier de membre de « La caillette, société artistique et culinaire » : menus, coupures de presse, dessins…, 1886-1889 (BMV, fonds Marius Villard, ms. 88)

Les distinctions s’opèrent principalement sur la part de viande par rapport aux herbes et aussi sur les ingrédients qui peuvent être ajoutés à la recette principale : plantes sauvages (pissenlit, marjolaine, ortie, sauge…), ail et persil, par exemple. Des caillettes à la châtaigne et au chou sont signalées en Ardèche, alors que Lus-La-Croix-Haute (Drôme) s’honore d’une recette avec champignons et pommes de terre ! « Il est nécessaire de savoir que chaque village possède ses propres recettes qui respectent les grandes lignes de la charcuterie. Bien souvent, d’un quartier ou d’un hameau à l’autre, des différences sensibles peuvent s’observer. Et, sans exagérer, nous pouvons affirmer que chaque famille, chaque arrangeuse, applique ses propres recettes, ajoute des ingrédients et autres qui déterminent des saveurs riches de leur diversité » écrivent Henri et Suzanne Blanc.

La caillette procède en effet d’un savoir-faire traditionnel. Lors des tuades de cochons familiales de jadis, elles étaient confectionnées le jour même afin d’utiliser rapidement des viandes difficiles à conserver. Il était d’ailleurs d’usage de « porter le cochon » (quelques caillettes et une fricassée de boudins) à des proches ou à des voisins, afin d’entretenir la convivialité sans risquer de gâter ces produits périssables. Cuites longuement, les caillettes pouvaient alors se conserver environ deux semaines.

En novembre 1886 est créée à Valence « La Caillette, société artistique et culinaire ». Réunissant des notables républicains locaux, ce cercle de sociabilité organise des « repas pantagruéliques arrosés de vins exquis et agrémentés de causeries rabelaisiennes ». Disparue rapidement (janvier 1889), cette société n’en demeure pas moins l’organisatrice de premiers « concours » de caillettes, dans lesquels - outre les convives - vont se distinguer les restaurateurs locaux et certaines « excellentes cuisinières » de la place de Valence.

Au XXe siècle, la production artisanale de caillettes se développe, s’industrialisant même dans les années 1960. A partir de l’entre-deux-guerres, la ville de Chabeuil, dans la Drôme, revendique le titre de « capitale » de ce mets. Lors de la réception par la mairie de Valence, le 23 février 1935, du critique gastronomique Curnonsky « la caillette de Chabeuil » figure bien au menu, comportant un large florilège des diverses spécialités des deux rives du Rhône, servi à l’Hôtel de Lyon.

En 1967, une confrérie, dite des « Chevaliers du Taste-Caillette », est créée à Chabeuil. Intronisant des personnalités locales et nationales, autant que des acteurs de la gastronomie, elle vise à préserver et mettre en valeur les savoir-faire traditionnels, notamment lors d’une foire dédiée à la caillette, à l’automne.

Présente des portes de l’Isère jusqu’aux frontières de la Haute-Loire et du Royans jusqu’à la Provence (il en existe ainsi dans le Var !), la caillette n’a pourtant pas de provenance géographique précise. Seule son origine populaire est attestée. Fonvieille écrit ainsi que s’il n’a pas trouvé le mot « caillette » dans des documents avant le XIXe siècle, il se dit persuadé que les « pâtés d’assiettes » ou « petits pâtés » qui figurent au menu de repas modestes dans les années 1730-1740 signalent bien notre charcuterie. Cette préparation ancestrale figure désormais sur de nombreuses bonnes tables en Drôme et Ardèche. Elle fait le bonheur d’un pique-nique ou d’un apéritif entre amis à défaut de toujours réconcilier drômois et ardéchois quant à sa préparation !

Ci-dessus : Dossier de membre de « La caillette, société artistique et culinaire » : menus, coupures de presse, dessins…, 1886-1889 (BMV, fonds Marius Villard, ms. 88)


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